Né à le 23 octobre 1852 à Reims, il est le fils d’un modeste artisan décorateur d’enseignes. Il manifeste très tôt une vive passion pour le dessin : « les statues de la cathédrale ont été à la source de ma vocation ».
Vers 1860, sa famille déménage à Paris et à l’âge de 14 ans, Forain se rend régulièrement au Louvre où il copie les Maîtres. C’est là qu’il fait la connaissance de Jacquesson de la Chevreuse, lequel lui enseigne alors les rudiments du dessin. Après un bref séjour aux Beaux-Arts dans l’atelier de Gérôme, il est remarqué par Carpeaux qui le prend comme praticien pendant plus d’un an.
A 17 ans, il fréquente la Bohème parisienne et pendant la guerre de 1870, il contribue à la défense du Fort de Montrouge. Anarchiste dans l’âme, il manifeste sa sympathie pour les Communards avant d’éteindre les incendies de la Commune dans un bataillon du Génie. Il est l’élève du caricaturiste André Gill et exécute quelques dessins dans l’irrévérencieux « Zut ». Son esprit blagueur l’intègre tout naturellement au club « zutiste » et aux dîners des « Vilains Bonshommes » avec Arthur Rimbaud et Paul Verlaine. Pendant trois mois à partir de décembre 1871, Forain partage avec Rimbaud un logis de fortune rue Campagne-Première et devient le complice des deux poètes qui l’affublent du sobriquet « Gavroche », en raison de son esprit narquois et de sa gouaille montmartroise. 1874 est l’année de son premier envoi refusé au Salon et de son incorporation au 101 ème régiment d’Infanterie à Laval.
A son retour en 1875, il reprend au quartier latin et à Montmartre une vie de bohême. Démuni, il vit de maigres cachets de journaux satiriques qui publient ses premiers dessins : Le Scapin en 1876, puis La Cravache parisienne, La République des lettres, La Vie Moderne, enfin Le Monde parisien.
Danseuse dans sa loge, vers 1890 ©Clark Institute Williamstown
Sous l’influence des impressionnistes Manet puis Degas, il apprend à connaître le monde de l’Opéra, avec ses danseuses et ses abonnés, qui devient son thème de prédilection. De 1879 à 1886, Forain, encouragé par Degas, participe à quatre des huit expositions impressionnistes.
Il est reconnu pour le trait vif et caustique de ses dessins de presse, dans lesquels il fustige l’hypocrisie de la bourgeoisie et les contradictions de la politique de son temps. Le plus souvent, les aquarelles, gouaches et pastels sont marqués par un style rapide, de vives couleurs, et un caustique esprit satirique.
En 1884, il est pour la première fois reçu au salon avec sa toile Le Buffet. L’année qui suivra il y expose Le Veuf (actuellement au musée d’Orsay).
Le Veuf, 1885 ©Musée d’Orsay/rmn
En 1886, le marchand d’Art Durand-Ruel expose ses toiles à New-York avec celles de Degas, Manet, Renoir, Monet, Pissarro…
A partir de 1887, Le Courrier Français publie régulièrement ses dessins satiriques. La même année débute sa collaboration longue de trente-cinq ans avec Le Figaro. De nombreux journaux comme L’Echo de Paris, Le New York Herald, Le Journal Amusant, Le Rire, Le Temps, L’Assiette au beurre, Le Gaulois, Le Rire sollicitent l’esprit tranchant de Forain, qui en fait le plus féroce des successeurs de Daumier.
‘-Faut attendre encore un an mon général’, paru dans Le Courier français, Novembre 1888, collection privée
Petites scènes de la vie bourgeoise ‘-mais qu’est ce que tu veux donc devenir?’ , paru dans Le Courrier français, mars 1888, collection privée
A la question « Où aura lieu votre prochaine exposition ? » il répond « dans les kiosques. » En 1889, il lance son propre journal Le Fifre dans lequel il souhaite « conter la vie de tous les jours, montrer le ridicule de certaines douleurs, la tristesse de bien des joies. » Forain fustige l’hypocrisie de la bourgeoisie et les contradictions de la politique de son temps.
Les évènements qui bouleversent la France – le scandale de Panama, la crise anarchique, l’affaire Dreyfus, les Inventaires, les Fiches – le détournent de la satire sociale et l’orientent progressivement vers la caricature politique. Le polémiste se déchaîne violemment dans Pstt… !, journal antidreyfusard qu’il fonde en 1898 avec Caran d’Ache et le soutien appuyé de Degas et Barrès.
En 1891, il épouse la pétillante peintre Jeanne Bosc, qui contribue à l’équilibre de ce noctambule. De cette union naitra un fils, Jean-Loup, en 1895. Le couple se rend en 1893 à New-York et Chicago, invité par Gordon Bennett, le propriétaire du New York Herald, puis il voyage à de plusieurs reprises : Venise (1893), Madrid (1894), Guernesey (1894) chez Georges Victor Hugo et de nouveau à Madrid en 1900, à l’occasion de l’exposition Goya.
Après avoir gravé à l’eau-forte entre 1875 et 1886 des scènes essentiellement naturalistes, Forain se concentre sur la technique de la lithographie. Des nus à la toilette et des scènes de mœurs constituent à partir de 1890 les sujets presque exclusifs de ses planches où s’exerce avec brio et spontanéité le talent du dessinateur.
En 1894, Forain peint les cartons de 17 mosaïques qui ornent la façade du Café Riche.
La confidence au bal, 1894 ©Les Arts Décoratifs, Paris/ Jean Tholance
A partir de 1902, il s’intéresse à nouveau à l’eau-forte et à la pointe-sèche dans des sujets généralement inspirés de l’Evangile ou de ses pèlerinages à Lourdes. Forain retrouve la Foi le jour de Noël 1900 en compagnie de son ami Joris-Karl Huysmans et lui écrit :
« je sais que je n’aurai de repos que quand j’aurai manifesté ma foi avec les moyens que Dieu m’a donnés ».
Joris-Karl Huysmans, vers 1878 ©Musée d’Orsay/rmn
Le bon samaritain, 1909 ©Institut national d’histoire de l’art
A partir de 1900, sa palette s’enrichit également de pathétiques prétoires où, à la suite de Daumier, il proteste contre les injustices humaines. Son style devient encore plus incisif et la clarté de ses œuvres impressionnistes est remplacée par le clair-obscur.
Scène de tribunal, 1925 ©RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
L’enfant terrible du Tout-Paris recherché pour ses bons mots est membre de cercles selects comme le Jockey Club ou L’Automobile Club . Il a sa table chez Maxim’s et il participe dans La Cave de la rue Lafitte aux dîners de Vollard aux côtés de Degas, Cézanne, Auguste Renoir.
En 1913, une exposition monographique lui est consacrée au Musée des Arts Décoratifs où près de 400 œuvres sont exposées.
Dès 1914, la guerre donne à Forain une cause à mesure de sa fougue : ses dessins exaltent le patriotisme dans L’Opinion, Le Figaro et Oui. Etalés sur une demi-page, ils provoquent un choc et sont passionnément commentés par les lecteurs. Parue le 9 janvier 1915, une légende flétrit les embusqués et devient un proverbe pour les contemporains : « – Pourvu qu’ils tiennent. – Qui ça? – Les Civils ». ( « Le scandale Forain » replay Radio de France Info)
Pourvu qu’ils tiennent. – Qui ça? – Les Civils, paru dans L’Opinion, 9 janvier 1915, collection privée
La seance est levée, paru dans L’avenir, juillet 1919, collection privée
En 1915, Forain rejoint le camouflage de l’Armée Française, section nouvellement créée grâce à la volonté d’artistes comme Guirand de Scévola et Dunoyer de Segonzac. En 1917, il assiste en uniforme à l’enterrement de son cher ami Degas qui avait plus tôt déclaré « Je ne veux pas de discours. Si ! Forain vous en ferez un, vous direz : il aimait le dessin. »
La guerre terminée, il continue sa collaboration avec Le Figaro jusqu’en 1924 et petit à petit reprend ses pinceaux pour d’audacieuses compositions brossées à grands traits qui transmettent l’atmosphère endiablée des Années Folles.
Le tango au cabaret, 1926, collection privée
Deja président de la Société des Dessinateurs Humoristes , il est élu en 1920 président de l’association philanthropique de la République de Montmartre. Couvert d’honneurs, il est élu à l’Institut en 1923 et préside la Société Nationale des Beaux-Arts en 1925. En 1928, il est promu Commandeur de la Légion d’Honneur, membre étranger de l’Académie royale de Suède, et en 1930, de l’Académie royale d’Angleterre.
Forain s’éteint le 11 juillet 1931 à son domicile parisien.
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